Un produit crée de la valeur en répondant à un besoin ou un désir chez le client qui accepte de réaliser l’effort pour y accéder. Ce besoin ou désir peut s’exprimer sous différentes formes. Après un travail d’analyse, les product managers l’expriment sous la forme du « job to be done » ou « problème à résoudre » pour se positionner en empathie avec le client. L’expression de la valeur pour le client s’appelle la proposition de valeur et elle est formulée en termes d’impact (outcome).
Les bénéfices rationnels d’un produit
Tout d’abord, nous pouvons lister quelques bénéfices qu’apporte un produit de façon très rationelle. Ces bénéfices peuvent aussi bien s’appliquer à l’échelle d’une personne que d’une entreprise.
Bénéfice | Description | Exemple |
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Fonctionnel | Le degré selon lequel un produit remplit son objectif ou sa fonction prévus, en résolvant un problème ou en répondant à un besoin du client. | Un smartphone avec une excellente autonomie de batterie offre une valeur fonctionnelle en permettant aux utilisateurs de rester connectés plus longtemps sans avoir besoin de recharger. |
Emotionnel | Les avantages émotionnels qu’un client tire de l’utilisation ou de la possession du produit, tels que les sentiments de bonheur, de fierté ou d’estime de soi. | Posséder une voiture de luxe peut apporter une valeur émotionnelle en procurant un sentiment de réussite et de prestige. |
Social | La valeur tirée de la capacité du produit à aider le client à se connecter avec d’autres, à obtenir l’approbation sociale ou à s’intégrer dans un certain groupe ou une certaine communauté. | Porter des vêtements de marque populaire peut offrir une valeur sociale en renforçant l’appartenance à un groupe et en obtenant l’approbation des pairs. |
Economique | Les économies de coûts ou les gains financiers auxquels un client peut s’attendre en achetant et en utilisant le produit, y compris des facteurs tels que le prix, les économies de coûts à long terme, la valeur de revente ou le retour sur investissement. | Un réfrigérateur écoénergétique offre une valeur économique en réduisant les coûts énergétiques à long terme pour les consommateurs. |
Qualité perçue | La perception de la qualité globale du produit par le client, incluant des aspects tels que le design, les matériaux, la durabilité et la qualité de fabrication. | Une montre suisse de haute qualité est perçue comme ayant une valeur élevée en raison de la précision de son mouvement et de la qualité de ses matériaux. |
Notoriété de la marque | La valeur supplémentaire qu’un client associe à un produit en raison de la réputation, de l’image ou de la crédibilité de la marque qui le soutient. | Les produits Apple ont souvent une valeur de marque élevée en raison de leur réputation en matière de design, d’innovation et de qualité. |
Commodité | La facilité et la commodité d’achat, d’utilisation ou d’entretien du produit, incluant des facteurs tels que l’accessibilité, la convivialité et le support après-vente. | Un service de livraison de repas à domicile offre une valeur de commodité en permettant aux clients de commander facilement des repas variés sans avoir à cuisiner eux-mêmes. |
Curiosité | Le bénéfice procuré par l’apprentissage d’une information, d’une compétence ou de quelque chose dont on souhaite percer un secret ou avoir la maîtrise. | Les MOOC, ces sites Internet qui permettent aux étudiants du monde entier d’étudier des matières autrefois inaccessibles hors des établissements scolaires. |
Sécurité | Le besoin d’assurer une stabilité, une pérénité ou la conservation de l’intégrité d’une situation ou d’une personne. | Les assurances proposent ce bénéfice. Le leadership des Etats est également une propriété à protéger. La pérennité des entreprises et des produits entre dans cette catégorie de bénéfice. |
Pouvoir d’influence ou statut | Le niveau d’influence ou une reconnaissance particulière alimentée par ce que représente le produit. | Les bijoux et véhicules de luxe garants de l’appartenance à une classe et se référent à un niveau de pouvoir assumé. |
Les motivations humaines
Cependant, la décision, le ressenti, la motivation auquel le bénéfice s’adresse est détenu par un humain et toute son irrationalité, son expérience et son contexte. Comment différencie-t-on un besoin d’un désir ou d’un problème ? Lorsque j’achète une crêpe à la fête foraine, est-ce pour répondre à un problème ? Non, il s’agit plutôt d’un désir. Sauf si je n’ai pas mangé depuis deux jours et que c’est le seul repas qui m’est proposé. Dans ce cas il s’agit d’un besoin. La classification peut impacter la démarche dans le détail, mais globalement, ce qui nous intéresse, c’est la motivation de la population cible à répondre à son désir, son besoin ou son problème.
La motivation peut être très relative en fonction du contexte ou de la cible étudiée. Le célèbre psychologue américain Abraham Maslow a établi la hiérarchie des besoins en 1943 (connue sous le nom de pyramide des besoins à l’insu de son auteur), dans laquelle il a recensé les différentes couches de besoin par niveau d’importance, sur le thème de la motivation. Les motivations sont classées des plus primaires aux plus secondaire : la survie, la sécurité et la protection, l’appartenance et l’amour, l’estime et la reconnaissance, et l’accomplissement de soi. Dans cette classification, on retrouve certains éléments cités précédemment.
Survie (besoin physiologique)
Ce niveau est essentiel pour assurer la survie physique de l’individu, car il comprend les besoins de base tels que la nourriture, l’eau, le sommeil, la respiration et l’élimination des déchets.
Selon Maslow, la satisfaction des besoins de survie est la première étape pour permettre à l’individu de se concentrer sur la satisfaction de ses besoins supérieurs tels que la sécurité, l’appartenance et l’estime de soi.
Les exemples de satisfaction des besoins de survie peuvent inclure l’accès à de l’eau potable, la consommation d’aliments nutritifs, la respiration de l’air frais et la capacité d’éliminer les déchets de manière hygiénique.
Dans les sociétés développées, les besoins de survie peuvent souvent être satisfaits facilement, mais dans les contextes de pauvreté, de conflit ou de catastrophe naturelle, la satisfaction de ces besoins peut être plus difficile à atteindre.
Sécurité et protection
Maslow a suggéré que lorsque les besoins physiologiques sont satisfaits, l’individu se concentre sur la satisfaction de ses besoins de sécurité. Les êtres humains cherchent à se sentir en sécurité dans leur environnement physique et émotionnel, et à être protégés contre les menaces externes telles que la violence, le danger ou l’insécurité financière.
Les exemples de satisfaction des besoins de sécurité peuvent inclure la recherche d’un emploi stable et bien rémunéré, l’installation dans un quartier sûr, la possession d’une assurance maladie ou la construction d’un réseau de soutien social pour faire face aux situations difficiles.
Maslow a également souligné que les besoins de sécurité peuvent être particulièrement importants pour les personnes qui ont vécu des traumatismes ou des expériences difficiles. Dans ces cas, la satisfaction de ces besoins peut être cruciale pour aider l’individu à se sentir en sécurité et protégé.
Appartenance et amour
Ces besoins sont liés aux relations sociales et affectives, à la connexion avec les autres et à la nécessité de se sentir aimé et accepté.
Selon Maslow, lorsque les besoins de base tels que les besoins physiologiques et de sécurité sont satisfaits, les êtres humains cherchent à satisfaire leurs besoins sociaux. L’accomplissement de ces besoins est crucial pour le bien-être émotionnel et la santé mentale de l’individu.
L’appartenance et l’amour peuvent être satisfaits de plusieurs manières, notamment à travers les relations familiales, les amitiés, les relations amoureuses, les communautés religieuses ou culturelles et les groupes sociaux.
Les exemples peuvent inclure une personne qui entretient une relation affectueuse avec son partenaire ou sa famille, une personne qui participe régulièrement à des activités communautaires ou à des groupes de soutien, ou une personne qui est acceptée et appréciée par ses pairs.
Maslow a également souligné que la satisfaction de ces besoins peut être difficile pour certaines personnes qui ont connu des expériences négatives dans leurs relations sociales, telles que la solitude, l’isolement ou la discrimination. Dans ces cas, les individus peuvent chercher à satisfaire ces besoins en développant de nouvelles relations ou en travaillant à améliorer les relations existantes.
Estime et reconnaissance
L’estime est divisée en deux sous-catégories : l’estime de soi et l’estime des autres. L’estime de soi est la perception que l’on a de soi-même, tandis que l’estime des autres est la reconnaissance et le respect des autres envers soi.
Maslow a suggéré que l’estime est importante pour le développement personnel et la croissance. Il a également noté que l’absence d’estime peut conduire à des sentiments d’infériorité, de dévalorisation et de dépression.
L’estime de soi peut être atteinte grâce à la reconnaissance de ses propres compétences, de ses réalisations et de ses capacités. Les exemples peuvent inclure une personne qui a atteint un objectif personnel, un travailleur qui a reçu une promotion ou une personne qui a résolu un problème difficile avec succès.
L’estime des autres peut être obtenue grâce à la reconnaissance et au respect des autres. Les exemples peuvent inclure une personne qui est respectée pour son expertise dans un domaine particulier, un leader charismatique ou une personne aimée et appréciée pour ses qualités personnelles.
Accomplissement/Réalisation de soi
La réalisation de soi est considérée comme la réalisation du potentiel maximum de l’individu, la réalisation de ses aspirations et de ses objectifs les plus élevés.
Les personnes qui ont atteint ce niveau sont souvent très créatives, autonomes et centrées sur l’accomplissement de leur mission personnelle. Les exemples de la réalisation de soi peuvent inclure des personnes qui poursuivent des carrières artistiques ou créatives, des entrepreneurs qui lancent leur propre entreprise, des travailleurs humanitaires ou des personnes engagées dans des activités bénévoles pour aider les autres.
Maslow a également souligné que la réalisation de soi est un processus continu qui ne peut jamais être complètement atteint. Les individus doivent toujours chercher à se développer, à apprendre et à se réaliser pleinement tout au long de leur vie.
Les bénéfices au sens Lean : suppression de gâchis
Le Lean a une approche beaucoup plus centrée sur les chaines de travail (workflow) et leur optimisation. Ainsi, il se repose sur une représentation en processus le long duquel il s’agit d’identifier la réduction des huit gâchis suivants :
- Surproduction (Seiri) : La surproduction se réfère à la production de biens ou de services en quantité supérieure à la demande du client. Exemple : Réduire les niveaux de stocks et la production de produits obsolètes en ajustant la production en fonction des besoins réels du marché.
- Temps d’attente (Seiton) : Le temps d’attente fait référence au temps perdu lorsque les employés ou les machines attendent que le travail précédent soit terminé. Exemple : Améliorer la planification et la coordination pour réduire les temps d’attente entre les étapes de production.
- Transport (Seiso) : Le transport excessif est un gaspillage dû au déplacement inutile de produits, de matériaux ou d’informations entre les processus. Exemple : Repenser la disposition de l’usine ou de l’atelier pour minimiser les distances parcourues et optimiser le flux de matériaux.
- Surtraitement (Seiketsu) : Le surtraitement se produit lorsque des processus ou des fonctionnalités inutiles sont ajoutés à un produit ou un service, augmentant ainsi les coûts sans ajouter de valeur pour le client. Exemple : Simplifier les processus de production en éliminant les étapes inutiles et en se concentrant sur les exigences réelles du client.
- Surstock (Shitsuke) : Le surstock est le stockage excessif de matériaux, de produits ou d’informations qui ne sont pas immédiatement nécessaires pour répondre à la demande du client. Exemple : Mettre en œuvre un système de gestion des stocks juste-à-temps (JIT) pour minimiser les stocks et réduire les coûts de stockage.
- Mouvements inutiles : Les mouvements inutiles sont les déplacements inutiles des employés ou des machines, qui n’ajoutent pas de valeur au produit ou au service. Exemple : Optimiser la disposition des postes de travail et la méthode de travail pour minimiser les mouvements inutiles et améliorer l’ergonomie.
- Défauts : Les défauts sont les erreurs, les non-conformités ou les problèmes de qualité qui entraînent des retouches, des réparations ou des réclamations de la part des clients. Exemple : Mettre en place des processus de contrôle de la qualité pour détecter et prévenir les défauts dès le début du processus de production.
- Compétences/Talent : Le gaspillage des compétences se produit lorsque les employés ne sont pas impliqués dans la prise de décision, ne sont pas encouragés à partager leurs idées ou leurs connaissances, ou sont affectés à des tâches qui ne correspondent pas à leurs compétences et à leur expertise. Cela peut entraîner une perte de motivation, une mauvaise qualité du travail et une faible productivité. Exemple : Mettre en place des programmes de formation et de développement pour aider les employés à améliorer leurs compétences, encourager l’innovation et la collaboration en équipe, et s’assurer que les tâches sont correctement assignées en fonction des compétences et des intérêts de chaque individu. De cette façon, les entreprises peuvent tirer parti du potentiel de leur main-d’œuvre et créer un environnement de travail stimulant et productif.
Trois axes de recherche du bénéfice
Le besoin peut être très basique, comme “la survie d’un individu en milieu hostile”, ou très complexe, comme “la survie d’un Etat et de l’ensemble de sa population sur un marché économique” ; c’est une question d’échelle. Le Choc des civilisations, écrit par Samuel Huntington, montre que les besoins et problèmes rencontrés à petite échelle – par les individus – sont les mêmes que ceux rencontrés à grande échelle – par les structures organisationnelles (Etats, sociétés privées, Eglises, etc.). “Nourrir une personne” est moins complexe que “nourrir mille personnes”. C’est le même besoin de base, mais la solution pourra être radicalement différente. Chaque équipe produit doit adapter ou choisir son produit selon la complexité qu’il pense être capable d’assumer pour réussir sa mission vis à vis de la cible. Il y a plusieurs façons d’évoquer un besoin et trois axes ressortent le plus souvent : par tension vécue, la cause racine ou supposée, et par la solution envisagée.
La tension
Expression du besoin par la description directe de la tension subie. Par exemple, « Je perds du temps parce que je dois rechercher mes outils à chaque fois que je réalise une opération. ». La tension est décrite avec son contexte, le moment où elle arrive et ses conséquences.
Ces tensions peuvent être multiples : perte de temps, manque de culture, trop de travail, risques de blessure, trop de chaleur, énergie gâchée, difficulté de communication, limitation de mouvement, loisirs trop réduits, documents et présentations peu attractives, etc. Elles peuvent être relatives aux huit gâchis du Lean Manufacturing. Dès lors que la proposition de valeur soulève l’une de ces tensions ou charges, alors naît un désir ou un besoin. La cohérence entre la proposition de valeur, le contexte de la population et les tensions et charges trouvées est une base importante pour le succès du produit. Comme l’explique de façon très détaillée Charles Duhigg dans Le pouvoir des habitudes, le besoin de chaque individu est propre à ses habitudes, “les habitudes sont si puissantes : elles créent des besoins neurologiques. La plupart du temps, ces besoins se forment de façon si progressive que nous n’avons pas vraiment conscience de leur existence, ce qui nous rend souvent aveugles à leur influence. Mais lorsque nous associons des signaux à certaines récompenses, un besoin subconscient surgit dans notre cerveau, qui entame la boucle de l’habitude.” Il évoque ici les résultats des travaux de Claude Hopkins et de Wolfram Schultz qui ont fortement inspiré le développement du marketing dans le monde. Certaines personnes diront que la manifestation du besoin se produit sous la forme de l’expression d’une émotion. Une émotion qui est exprimée soit face à la conséquence manifeste d’une tension ou d’une charge, soit face à ce qui pourrait ressembler à une solution pour éliminer la tension ou la charge.
La détection d’une tension par l’observation de sa manifestation peut relever d’un véritable travail d’enquêteur. De façon générale, le document qui formalise la manifestation s’appelle le cahier des charges. Dans le monde du produit, on parle d’insights clients ou utilisateurs, ou de pain points. A ce stade, il n’évoque aucune solution pour être le plus objectif possible. Il relève de la façon la plus détaillée possible la manifestation des tensions, leurs acteurs et leur environnement. Si une solution a été envisagée ou testée, l’analyse de celle-ci peut également y figurer, mais c’est au risque d’orienter la solution. A l’échelle d’un pays, on peut considérer que le cahier des charges correspond à l’ensemble des plaintes formulées par les ONG, par les statistiques de personnes sans emplois, des statistiques sanitaires, les flux de dépenses pour les aides sociales ou pour l’aide à la création d’entreprise, etc. C’est le constat d’une situation. A l’échelle d’une entreprise, un cahier des charges est un document plus formel qui recense soit une problématique interne, soit la problématique d’un client ou prospect. A l’échelle d’une famille, cela peut correspondre à des critiques répétées.
La cause
Expression du besoin par l’analyse de sa provenance. Par exemple, si une lampe tombe systématiquement en panne, on ne va pas s’arrêter à la qualité de la lampe, mais on va remonter aux fluctuations potentielles de courant dans la journée.
L’analyse de la cause d’un besoin par du principe où un problème est à résoudre ou une peine est vécue. Mal menée, elle peut amener à des conclusions attives telles que « Je perds du temps depuis que cette personne a été recrutée. » là où il aurait été possible de remonter jusqu’au formateur.
La manifestation de la tension ne guide pas forcément facilement à l’origine de cette tension. Au sein d’une usine de production, la tension peut être un agacement des clients face à des défauts ou retards à répétition alors que le problème vient d’une logistique inadaptée. Au sein d’un pays, la tension peut être une récession économique alors que la cause est une démographie en trop forte baisse. Au sein d’un foyer, la tension peut être les résultats désastreux d’un enfant à l’école alors que la cause est une pression exercée par les parents car ils sont eux-mêmes mis sous pression dans le cadre de leur travail.
La solution
Expression du besoin par la projection d’une solution. Par exemple, « j’ai croisé une société prometteuse sur un salon, et le vendeur m’a décrit exactement les problèmes que nous vivons. La solution qu’il vend doit être explorée. », ou « nous avons besoin d’un logiciel de traitement de texte pour écrire nos articles ». Aller vers une solution sans avoir pris de recul sur la tention ou le problème que l’on tente de résoudre peut amener à une déception.
Le « job to be done » (JTBD) ou l’expression du bénéfice attendu
Le moyen le plus efficace de répondre à un besoin est de s’adresser à la cause, mais personne ne dit qu’un produit qui répond à un besoin est là pour le régler complètement. Il est également possible de proposer un produit qui traite le symptome qu’est la tension ressentie, ou le produit qui incarne la solution pour laquelle le prospect est déjà prêt à faire l’effort d’acquisition. Le doliprane, par exemple, n’est pas là pour contrer les virus mais pour réduire la gêne occasionée par le virus, le temps que le corps se défende.
Qu’elle que soit la cible, on peut considérer que le client a un objectif qu’il est possible de formuler sous la forme d’un travail à accomplir ou « job to be done ». Le « Job to be Done » (JTBD) est un concept en gestion de produit qui met l’accent sur les besoins, les désirs ou les problèmes des clients auxquels un produit ou un service doit répondre. Il se concentre sur la compréhension des tâches ou des objectifs que les clients cherchent à accomplir avec un produit ou un service, plutôt que sur les caractéristiques ou les attributs du produit lui-même. Le concept de JTBD soutient que les clients « embauchent » un produit ou un service pour réaliser un travail spécifique, et c’est ce travail qui doit être au centre de la conception et du développement du produit.
Les principes du « Job to be Done » sont les suivants :
- Se concentrer sur les besoins du client : Comprendre les objectifs et les problèmes des clients permet de créer des solutions qui répondent réellement à leurs besoins.
- Identifier les tâches à accomplir : Les tâches ou les objectifs que les clients cherchent à accomplir peuvent être des indicateurs clés pour concevoir des produits ou services qui répondent efficacement à leurs besoins.
- Créer des solutions orientées vers les travaux à accomplir : Les produits ou services doivent être conçus pour faciliter la réalisation des tâches et résoudre les problèmes des clients, plutôt que de simplement offrir des fonctionnalités.
- Mesurer le succès en fonction de la réalisation des travaux : L’évaluation du succès d’un produit ou d’un service doit se baser sur la manière dont il aide les clients à réaliser leurs travaux, plutôt que sur des métriques de performance plus traditionnelles.
De nombreuses entreprises se sont lancées sur la mise en pratique du concept, dont certaines très connues telles que Netflix, Uber et Dropbox :
- Netflix : Le JTBD de Netflix est de fournir du divertissement et de remplir le temps libre des utilisateurs. En se concentrant sur ce travail, Netflix a développé un service de streaming qui offre un large éventail de contenus, des recommandations personnalisées et une expérience utilisateur facile à utiliser, répondant ainsi aux besoins de ses clients.
- Uber : Le JTBD d’Uber est de faciliter les déplacements en offrant un service de transport pratique et abordable. En comprenant ce travail, Uber a créé une plateforme qui met en relation les chauffeurs et les passagers, offre des estimations de tarifs et de temps d’attente, et permet un paiement sans friction.
- Dropbox : Le JTBD de Dropbox est de simplifier le stockage, la synchronisation et le partage de fichiers pour les utilisateurs. En se concentrant sur ce travail, Dropbox a conçu un service qui permet aux utilisateurs de stocker leurs fichiers en ligne, de les synchroniser sur différents appareils et de les partager facilement avec d’autres personnes, répondant ainsi à leurs besoins en matière de gestion de fichiers.
Le Job to be Done étant orienté sur un objectif, on y voit aussi la systématisation de la formulation de missions et d’objectifs tels qu’on les apprécie dans le product management. Des objectifs dont on souhaite la réalisation mesurable, parpable pour en valider l’atteinte.
La contrepartie du bénéfice : l’effort à fournir par la cible pour y accéder
Changeons d’angle d’attaque et regardons maintenant l’effort pour la cible.
Le prix
Le prix représente la quantité monétaire qu’un client doit payer pour acquérir un produit ou un service. En termes de valeur, le prix peut être considéré comme un élément clé qui influence la perception de la valeur globale d’un produit par la population cible.
Le prix est étroitement lié à la valeur économique, car il peut affecter les décisions d’achat et la satisfaction globale des clients. En tant qu’effort que la population cible doit réaliser pour accéder à un produit, le prix peut influencer la perception de la valeur de plusieurs manières :
- Accessibilité : Un prix trop élevé peut rendre un produit inaccessible à une partie de la population cible, tandis qu’un prix trop bas peut donner l’impression d’une qualité inférieure ou d’un manque de valeur. Trouver le juste équilibre entre la valeur perçue et l’accessibilité financière est crucial pour maximiser les ventes et la satisfaction des clients.
- Comparaison avec des produits concurrents : Les clients comparent souvent les prix des produits similaires pour déterminer quelle offre présente la meilleure valeur. Un produit au prix compétitif avec des caractéristiques et des avantages similaires à ceux de ses concurrents peut être perçu comme ayant une meilleure valeur.
- Relation qualité-prix : Les clients évaluent souvent la valeur d’un produit en fonction de la relation entre le prix et la qualité perçue. Un produit qui offre une qualité supérieure à un prix similaire ou légèrement supérieur à celui de ses concurrents peut être perçu comme ayant une meilleure valeur.
- Coût total de possession : Les clients prennent également en compte les coûts supplémentaires liés à l’achat, l’utilisation et l’entretien d’un produit (tels que les coûts d’installation, les frais d’expédition, les coûts d’entretien et les coûts énergétiques). Un produit qui peut offrir des économies à long terme en minimisant ces coûts peut être perçu comme ayant une valeur supérieure.
Dès lors qu’un prix est fixé, alors il devient une partie de l’effort à fournir par le client final pour accéder au produit, et une partie de la population peut être mise à l’écart pour plusieurs raisons : elle n’a pas les moyens, elle n’a pas envie de dépenser autant pour ce niveau de service, elle a une meilleure offre pour répondre à son besoin, etc.
Aussi, le prix ne peut pas être détâché du temps. Il peut varier en fonction des événements et opportunités, il peut être abaissé pour convaincre ou déclenché une fois une habitude prise avec le produit, il peut être utilisé comme une arme contre la concurrence sur une période de temps donnée avant d’être réajusté, il peut rassembler plusieurs produits complémentaires sous la forme d’un bundle, etc.
Le prix est un indicateur de valeur et un argument technique pour le client également. En effet, si la façon dont le prix est ellaboré est complexe à comprendre ou flou, alors le client aura moins envie d’accéder au produit. Ainsi, quand un produit est complexe, un choix doit être fait pour que le client comprenne facilement ce qu’il paie, même si l’entreprise réalise des dépenses diverses en fonction de l’usage. Par exemple, pour une application SaaS qui répond à un besoin métier, il est tout à fait possible de facturer la consommation de disque dur (stockage). L’application Gmail emploi tout à fait cette démarche. On ne vous facture pas le traitement des emails mais leur stockage. De nombreux sites qui mettent à disposition des logiciels opensource utilisent également cette stratégie, en plus de vendre du support facturé en jours/homme.
L’adoption
L’effort d’adoption fait référence aux ressources, au temps et aux efforts nécessaires pour qu’un client adopte et s’adapte à un nouveau produit ou service. Ce concept est particulièrement pertinent lorsqu’un produit nécessite un changement de comportement, l’apprentissage de nouvelles compétences ou l’intégration à des systèmes existants.
Voici quelques exemples de coûts liés à l’effort d’adoption :
- Coût d’apprentissage : Lorsqu’un produit nécessite des compétences ou des connaissances nouvelles pour être utilisé efficacement, les clients doivent investir du temps et des efforts pour les acquérir. Par exemple, apprendre à utiliser un logiciel complexe ou un nouvel appareil électronique.
- Coût de changement de comportement : Si un produit exige des changements dans les habitudes ou les routines quotidiennes des clients, cela peut entraîner un coût en termes d’efforts d’adaptation. Par exemple, passer d’un système d’exploitation à un autre ou adopter une nouvelle méthode de paiement.
- Coût d’intégration : Lorsque les clients doivent intégrer un nouveau produit à leurs systèmes ou processus existants, cela peut impliquer des coûts en termes de temps, de ressources et d’efforts pour effectuer les ajustements nécessaires. Par exemple, intégrer un nouveau logiciel de gestion d’entreprise avec des systèmes existants.
- Coût de transition : Si les clients doivent abandonner un produit ou un service existant pour adopter un nouveau produit, cela peut entraîner des coûts de transition, tels que la perte d’investissements antérieurs, la nécessité de transférer des données ou la formation du personnel.
Pour que la population cible adopte et bénéficie d’un produit, il est crucial de minimiser ces coûts liés à l’effort d’adoption. Les entreprises peuvent le faire en :
- Simplifiant l’utilisation et l’adoption du produit.
- Fournissant des ressources d’apprentissage et un support appropriés.
- Rendant le produit compatible avec des systèmes ou des processus existants.
- Offrant des incitations pour faciliter le changement de comportement et minimiser les coûts de transition.
En réduisant l’effort d’adoption, les entreprises peuvent améliorer la valeur perçue du produit et augmenter la probabilité d’adoption et de satisfaction des clients.
Le risque à l’adoption
La valeur du risque pour l’adoption d’un nouveau produit se réfère à la perception des incertitudes et des conséquences potentiellement négatives associées à l’achat et à l’utilisation d’un produit inconnu ou innovant. Les clients évaluent souvent les risques avant de prendre une décision d’achat, et ces risques peuvent influencer leur perception de la valeur globale du produit.
Voici quelques types de risques et des exemples associés à l’adoption d’un nouveau produit :
- Risque fonctionnel : Ce risque est lié à la crainte qu’un produit ne remplisse pas sa fonction prévue ou ne réponde pas aux attentes du client en termes de performance. Exemple : Un client hésite à acheter un nouveau modèle de robot aspirateur, craignant qu’il ne nettoie pas efficacement les coins et les bords de la pièce.
- Risque financier : Il s’agit de la peur de perdre de l’argent ou de ne pas obtenir un bon retour sur investissement après l’achat du produit. Exemple : Un client hésite à investir dans une voiture électrique coûteuse, craignant que les économies de carburant ne compensent pas le coût initial élevé du véhicule.
- Risque social : Ce risque concerne la crainte d’être jugé négativement ou de ne pas obtenir l’approbation sociale en raison de l’adoption d’un nouveau produit. Exemple : Un client est réticent à utiliser un casque de réalité virtuelle en public, craignant d’être perçu comme antisocial ou étrange par ses pairs.
- Risque de temps : Il s’agit de la peur de perdre du temps en essayant d’apprendre à utiliser ou à intégrer un nouveau produit, ou en gérant les problèmes qui pourraient survenir après l’achat. Exemple : Un client hésite à adopter un nouveau logiciel de gestion du temps, craignant qu’il ne soit trop compliqué à utiliser et qu’il finisse par lui faire perdre plus de temps qu’il n’en gagne.
- Risque psychologique : Ce risque est lié à la crainte que l’adoption d’un nouveau produit ait un impact négatif sur l’estime de soi, les émotions ou les croyances personnelles du client. Exemple : Un client, soucieux de l’environnement, hésite à acheter des vêtements fabriqués à partir de matériaux synthétiques, craignant que cela ne compromette ses valeurs écologiques.
Pour atténuer la valeur du risque et encourager l’adoption d’un nouveau produit, les entreprises peuvent :
- Fournir des informations claires et transparentes sur le produit, ses caractéristiques et ses avantages.
- Offrir des garanties, des politiques de retour flexibles ou des essais gratuits pour réduire les risques financiers et fonctionnels.
- Encourager les témoignages et les avis de clients satisfaits pour renforcer la crédibilité et la réputation du produit.
- Proposer des ressources d’apprentissage et un support après-vente pour minimiser les risques liés au temps et aux efforts.
Conclusion
La valeur pour le client peut ainsi être vue du point de vue de la dépense, tout comme du point de vue de l’apport. Du point de vue du coût comme du point de vue du bénéfice. La valeur est complexe, subtile, influençable et influençante, et peut être composée de nombreux paramètres qui, tous rassemblés, amènent vers une adoption ou un rejet. L’entreprise dispose d’un certain nombre d’outils pour mesurer l’impact des choix, et pour aboutir à un « juste prix » qui lui permet soit de maximiser son profit, soit de maximiser son impact. L’évaluation de tout cela repose sur un échange constructif entre le marché, le design et la technologie ou ce qui réalise le service.
Qu’est-ce que la valeur client (pour le business) ?
Un produit doit générer un bénéfice pour l’entreprise (le business) qui le porte pour être viable. C’est la raison pour laquelle une entreprise s’intéresse non seulement à la valeur client, mais également à sa propre chaine de valeur, son réseau de valeur, sa valorisation en tant qu’entreprise et en tant que brand qui ont un impact direct sur la valorisation même du produit, etc.